Il se flattait par là de dissiper toutes les imputations dont on le chargeait, et d’affaiblir l’envie. Comme il était d’ailleurs fort riche et d’une grande naissance, qu’il avait beaucoup d’amis puissants, il craignait le ban de l’ostracisme[20], et ne prenait aucune part aux affaires publiques ; seulement à l’armée il montrait un grand courage et affrontait tous les dangers. Les ennemis, à qui les Athéniens faisaient autant de mal sur mer qu’ils en souffraient eux-mêmes par terre, n’auraient pas soutenu si longtemps cette guerre ruineuse, et s’en seraient lassés beaucoup plus tôt, comme Périclès l’avait annoncé dès le commencement[109], si une puissance surnaturelle n’eût rendu inutiles tous les conseils de la prudence humaine. Les Vies de Plutarque sont consacrées, pour un certain nombre d’entre elles, à des hommes très célèbres (Périclès, Démosthène, Cicéron, etc), alors que d’autres seraient probablement restés inconnus si, précisément, notre auteur n’avait choisi de les faire passer de l’ombre à la lumière. Thémistocle : adversaire démocrate d’Aristide, il le fit ostraciser en 484 ; il est l’artisan de la construction d’une grande flotte athénienne, et de la victoire navale de Salamine. Préface. Périclès, s’étant embarqué, ne fit rien qui répondit à de si grands préparatifs. Le nombre de 1500 juges évoque le tribunal de l’Héliée, et ramène l’affaire à des proportions normales. Voir cours sur les institutions. Cependant la ville ayant essayé des autres généraux et des autres orateurs pour conduire cette guerre, et aucun d’eux ne lui ayant paru avoir ni assez de poids, ni assez d’autorité pour un commandement de cette importance, elle commença à désirer Périclès, à le rappeler à la tribune et au gouvernement. peser des œufs de mouche avec des toiles d’araignée, Οὔλυμπόνδ᾽, ὅθι φασὶ θεῶν ἕδος ἀσφαλὲς αἰεὶ, ἔμμεναι. Vie de Périclès est un chapitre issu des Vies parallèles de Plutarque, dans lequel il met en miroir un personnage grec avec un personnage romain. τὸ διαλείμμα : intervalle. « Oui, répondit-il, mais ce n’est pas un excellent homme : car autrement il ne serait pas si bon joueur de flûte. Voir la, ἐχέγγυος, ος, ον : qui offre une garantie, garant, répondant. Sur Elpinice, sœur de Cimon, cf. L’historien Éphore dit que ce fut à ce siège que Périclès se servit pour la première fois de machines de guerre, invention nouvelle qui lui parut merveilleuse. Mort de Périclès. Théophraste, dans cette partie de ses morales où il recherche si les moeurs changent avec la fortune, en sorte qu’altérées par les affections du corps elles abandonnent la vertu, raconte que Périclès, visité dans sa maladie par un de ses amis, lui montra une amulette que des femmes lui avaient suspendue au cou : il donnait à entendre qu’il devait être bien malade, puisqu’il se prêtait à de pareilles faiblesses[122]. Le soir il se retira tranquillement chez lui, toujours suivi par cet homme, qui l’accablait d’injures. On dit qu’un jour on apporta de la campagne à Périclès une tête de bélier qui n’avait qu’une corne, et que le devin Lampon, ayant vu cette corne forte et solide qui s’élevait du milieu du front, déclara que la puissance des deux partis qui divisaient alors la ville, celui de Thucydide[18] et celui de Périclès, se réunirait tout entière sur la tête de celui chez qui ce prodige était arrivé. παρεντείνω : ajouter quelque chose à son art, βαφή : teinture (métaphore tirée de la teinturerie) ou trempe (métallurgie), τελεσιουργόν : qui achève son œuvre, efficace, ἡ παιδιά, ᾶς (attention à l’accent !) J.-C par les Perses, Périclès entreprend de faire construire de nouveaux monuments. ἐλεγκτικός, ή, όν : propre à convaincre, ou à réfuter, κατακλείων, ουσα, ειον : qui termine, qui conclut, ἀλαπαδνός, ός, όν : facile à détruire, faible. Les Lacédémoniens, informés que les troupes étaient rentrées dans leurs villes, en furent tellement irrités, qu’ils condamnèrent leur roi à une forte amende qu’il se vit hors d’état de payer ; et il fut obligé de sortir de Lacédémone[67]. Mais Périclès fut fort blâmé de n’avoir envoyé que ces dix galères, qui ne pouvaient seconder que bien faiblement, ceux qui en avaient besoin, en même temps que ses ennemis ne manqueraient pas d’en tirer un prétexte de le calomnier. Aussi, dans les comédies de ce temps-là, est-elle appelée la nouvelle Omphale, Déjanire et Héra. Aristophane. Voir Aristophane… Plutarque s’appuie donc sur une étude de l’opinion publique, au travers des œuvres littéraires. Pour la réforme de l’Aréopage, voir Aristote, Constitution d’Athènes, 23, 25, et 55-59. Persuadé que c’était beaucoup pour lui que de contenir les Lacédémoniens, dont il était toujours l’ennemi, il le fit voir en plusieurs occasions, et surtout dans la guerre sacrée[65]. Stésimbrotos de Thasos était un sophiste, contemporain de Périclès. Il s'agit d'une série de récits de vies d'hommes illustres du monde gréco-romain, récits organisés par paires, chaque paire mettant en parallèle un Grec et un Romain. Ὁ τεχνίτης : artisan, technicien, artiste. Bientôt les Eubéens se révoltèrent. S’efforce à tout moment d’aiguillonner ton coeur[107]. Thucydide, pour nous donner une idée du gouvernement de Périclès, le représente comme une sorte d’aristocratie, à laquelle on donnait le nom de gouvernement démocratique, mais qui dans le fait était une véritable monarchie, où le premier des citoyens avait seul toute l’autorité. XI. Ils disent que, lorsqu’il parlait dans l’assemblée du peuple, les tonnerres et les éclairs partaient de sa bouche, et que sa langue lançait la foudre. Sur Anaxagore :voir plus haut, § 4, et cours sur Anaxagore. Il ne laissa plus les nobles se mêler et se confondre comme auparavant avec le peuple, et obscurcir leur dignité dans la foule ; mais les séparant de la multitude, et concentrant comme en un seul point toute leur puissance pour en augmenter la force, il mit un contre-poids dans la balance politique. Voir le portrait de Sempronia que dresse Salluste (Catilina, § 25), ou encore l’image de Clodia que donne le Pro Caelio de Cicéron. Οὐ γὰρ ἂν τοσαύταις συμφοραῖς  ἐχρήσαντο Ῥωμαῖοι Φαβίου παρ´ αὐτοῖς ὅσον Ἀθήνησι  Περικλέους δυνηθέντος. I. César, voyant un jour, à Rome, de riches étrangers qui portaient entre leurs bras de petits chiens et de petits singes auxquels ils prodiguaient les caresses, leur demanda si chez eux les femmes ne font point denfants. ὑπωρρώδει < ὑπορρωδέω-ῶ : frissonner un peu. Plutarque, Vie de Périclès, v. 100-120 apr. de laconisme, a appelé son fils Lacédémonios ! Il embrassa donc les intérêts du peuple, afin d’y trouver de la sûreté pour lui-même et du crédit contre Cimon. On dit que dans sa vieillesse, se voyant négligé par Périclès, que ses grandes affaires empêchaient de penser à lui, il se coucha, et se couvrit la tête de son manteau[54], résolu de se laisser mourir de faim. Allusion au fait que Mégare était grande productrice d’ail ; ἡ φῦσιγξ, ιγγος désigne une sorte d’ail). Nous avons acheté la pierre, l’airain, l’ivoire, l’or, l’ébène, le cyprès ; et des ouvriers sans nombre, charpentiers, maçons, forgerons, tailleurs de pierre, teinturiers, orfèvres, ébénistes, peintres, brodeurs, tourneurs, sont occupés à les mettre en oeuvre. Il affirmait ainsi que la flèche ne peut jamais atteindre sa cible, puisque chaque distance qu’elle parcourt peut être divisible à l’infini. ἀντιτασσόμενος : opposer une personne, une chose à une autre, οἰκουρέω-ῶ : veiller sur la maison, rester chez soi, demeurer, συμπλέκομαι : s’attaquer à, en venir aux mains, ἐνδιεσπάρθαι < ἐνδιασπείρω (infinitif aoriste passif) : disperser, répandre dans, ἠμαυρωμένος < ἀμαυρόω-ῶ (participe parfait passif) : faire disparaître, anéantir, ῥοπή, ῆς : inclinaison d’une balance, poids. Cela mit Périclès dans la nécessité de faire, en combattant, des efforts extraordinaires de courage, et de se distinguer entre tous les Athéniens par son intrépidité à braver tous les dangers. Mais rien ne lui concilia tant l’estime publique que la circonspection qu’il mettait dans ses expéditions militaires. τὰ μετάρσια : les phénomènes célestes. Périclès, qui voulait encore inspirer à ses concitoyens plus d’élévation, plus d’ardeur pour les grandes entreprises, décida d’inviter par un décret tous les peuples grecs, dans quelque partie de l’Europe ou de l’Asie qu’ils fussent établis, toutes les villes, grandes et petites, à envoyer des députés à Athènes, pour y délibérer sur la reconstruction des temples brulés par les Barbares, sur les sacrifices qu’on avait voués aux dieux pour le salut de la Grèce pendant les guerres des Perses, enfin sur les moyens de rendre la navigation sûre et d’établir la paix entre tous les Grecs[55]. A peine il était embarqué, que Mélissos, fils d’Ithagène, philosophe distingué[81], et alors général des Samiens, méprisant le petit nombre de vaisseaux que Périclès avait laissés et l’inexpérience de ceux qui les commandaient, persuade ses concitoyens d’aller les attaquer. La maladie affecta tout à la fois les corps et les esprits : les Athéniens s’aigrirent tellement contre Périclès, que, semblables à des frénétiques qui s’emportent contre leur médecin ou contre leur père, ils le traitèrent avec la dernière injustice. Cette disgrâce ne fut pas de longue durée ; le peuple laissa toute sa colère dans la plaie, comme l’abeille y laisse son aiguillon. (traduction V. Bérard), νουθετέω-ῶ : avertir quelqu’un, rappeler que, τὸ φιλόστοργον : la tendresse pour les siens, ἄν…. Mais, comme on a cru qu’il ne fit la guerre à Samos que pour complaire à Aspasie, c’est ici le moment de rechercher par quel art si puissant, par quel charme si persuasif, cette femme put prendre un tel empire sur les premiers hommes de la république, et faire dire tant de bien d’elle aux philosophes les plus célèbres[70]. Périclès, qui s’y opposa de toutes ses forces, et qui excita le peuple à persévérer dans sa haine contre Mégare, fut regardé comme le seul auteur de cette guerre. Ces deux villes étaient en guerre au sujet de celle de Prienne. Commencez à lire La vie de Périclès: Traduit par D. Ricard, 1830 sur votre Kindle en moins d'une minute. Il ne doutait pas que, dans des affaires si importantes, dans des dangers si pressants, le peuple, entraîné par sa puissance et par son mérite, ne se reposât sur lui seul de sa défense. XXII. Il est donc l’adversaire de Périclès. Soutenu de la faveur du peuple, Périclès ruina l’autorité de ce conseil ; il lui ôta, par le moyen d’Éphialtès, la connaissance d’un grand nombre d’affaires, et fit condamner au bande l’ostracisme, comme ami des Lacédémoniens et ennemi du peuple, Cimon lui-même, qui n’était inférieur à aucun autre citoyen ni par sa naissance ni par sa fortune, qui avait remporté sur les Barbares les victoires les plus glorieuses, et qui, comme je l’ai dit dans sa vie, avait rempli la ville des richesses et des dépouilles des ennemis : tant Périclès avait de pouvoir sur la multitude. aussi appelees vies parallÈles.existent 2 autres editions de ricard ; une en 15 volumes (1830) et une en 2 volumes (didot) Par là tous les âges et toutes les conditions sont appelés à partager l’abondance que ces travaux répandent de toute part. . Fut par les immortels nommé l’homme aux cent tête »[9]. Source fondamentale et incontournable, la Vie de Périclès doit cependant être maniée avec précaution par l’historien : en effet, écrivant à bien des siècles de distance, pour être précis, aux premier et deuxième siècle de notre ère, Plutarque sélectionne et hiérarchise ce qui lui semble digne d’être conservé suivant des critères qui sont largement informés par sa position de notable grec vivant à … Le peuple ayant ordonné ce secours, Périclès n’y envoya que dix vaisseaux, sous la conduite de Lacédémonios, fils de Cimon, sans doute dans l’intention de lui porter préjudice. le latin materies. Mais toutes leurs démarches furent inutiles : les villes ne s’assemblèrent point, parce que les Lacédémoniens s’y opposèrent[56], car ce fut d’abord dans le Péloponnèse que cette proposition fut rejetée. Chacune de ces choses a sa cause et sa préparation, et ne laisse pas d’être le signe d’une autre. Les Lacédémoniens avaient fait graver sur le front du loup d’airain[66] le privilège que les Delphiens leur avaient accordé de consulter les premiers l’oracle ; Périclès obtint le même privilège pour les Athéniens, et le fit graver sur le côté droit du loup. » A ces mots, soit admiration pour sa grandeur d’âme, soit que par jalousie on ne voulût pas lui céder la gloire de tant de beaux ouvrages, tout le peuple s’écria qu’il n’avait qu’à prendre dans le trésor public de quoi en couvrir les frais, et de ne rien épargner. σοβαρός, ά, όν : impétueux, rapide, fier, arrogant, ὀχλικός, ή, όν : qui concerne la foule, vulgaire, βωμολοχία, ας : moquerie bouffonne, mauvaise plaisanterie, σύστασις, εως : action de composer son visage, sérieux. Les anapestes (ou parabase) : partie très attendue de la comédie ancienne, la parabase est le moment où le chœur abandonne son rôle et s’adresse directement aux spectateurs. Égine est l’île qui se trouve en face du Pirée. Cf. Les deux flottes se livrèrent un grand combat près de l’île de Tragie[77]. Il paraît cependant que l’attachement de Périclès pour Aspasie fut une véritable passion. « Il vit, disaient-ils, avec la femme de Ménippus, son ami et son lieutenant. περίαπτον : amulette qu’on porte autour du cou, περιηρτημένος, η, ον < περιαρτάω-ῶ : suspendre autour, ὅση γένοιτο : optatif oblique, après λόγον ἐποιοῦντο, σοβαρός, ά, όν : impétueux, violent, excessif, τὸ καθ’ ἑαυτόν : expression substantivée : « en ce qui le concernait », τῷ πρὸς τὸ κωλύειν ἀδυνάτῳ : neutre substantivé au datif : « par son incapacité à empêcher… », ἂν… ἐχρήσαντο Ῥωμαῖοι : apodose d’un irréel du présent, dont la protase est, τῷ μηδὲν λαβεῖν, τῷ προέσθαι (< προίημι, concéder) sont deux infinitifs substantivés, ἐπεδείξατο (< ἐπιδείκνυμι) : accord avec le plus proche, οὐκ ἂν ἴσως εἴποι τις : parenthèse : « on ne saurait dire », ὅσα [αὐτῷ] παρόν : tout ce qu’il lui était permis… (τὸ παρόν : ce qui est possible, permis, à la disposition de), ὁμοῦ (adverbe : « ensemble ») porte sur πάντα, τὸ πρωτεῖον : la prééminence (ici, acc. Ce décret, que Périclès avait rédigé, ne contenait que des plaintes raisonnables et exprimées en des termes très doux. Mais le caractère le plus singulier des biographies de Plutarque, cest quelles sont présentées en couples, une vie grecque placée en parallèle avec une vie romaine : Thésée, le fondateur dAthènes, est le vis-à-vis de Romulus, le fondateur de Rome ; Lycurgue, le grand législateur grec, est la contrepartie de Numa, qui donna à Rome ses institutions ; Solon est lié à Publicola, les deux ayant montré de lindulgence envers le peuple ; Alcibiade, passionné de tout ce qui brille, soppose à Coriolan, en colère contre tout c… La vie de Pércilès de Plutarque, traduit par D. Ricard en 1830. On croit que Périclès en avait eu un fils naturel : car Eupolis, dans sa comédie des Bourgs, lui en fait demander des nouvelles : Et mon fils naturel, dis-moi, vit-il encore ? Cette puissance, si enviée, qu’on traitait de monarchie et de tyrannie, ne parut plus alors qu’un rempart qui avait sauvé la république : tant, depuis sa mort, la corruption se répandit dans toute la ville, et y fit régner cette foule de vices que Périclès avait su contenir et réduire pendant sa vie, et qu’il avait empêché de dégénérer en une licence qui serait devenue irrémédiable . XXXIX. On lui en voulait surtout parce qu’en gravant sur le bouclier de la déesse le combat des Amazones, il s’y était représenté lui-même sous la figure d’un vieillard qui soulève de ses deux mains une grosse pierre. C’est celui qui, dans la suite, après avoir remporté sur les Péloponnésiens une victoire navale près des îles Arginuses, fut condamné à mort par le peuple, avec les autres généraux ses collègues[121]. Vie de Périclès de Plutarque sur AbeBooks.fr - ISBN 10 : 2013697805 - ISBN 13 : 9782013697804 - Hachette Livre BNF - 2016 - Couverture souple » En effet, la promptitude et la facilité dans l’exécution ne donnent ni beauté parfaite ni solidité durable. Cependant les Athéniens avaient alors de grands architectes et d’habiles artistes. Ses deux fils, Hipparque et Hippias lui succèdent : le premier sera tué en 514 par les tyrannoctones, le second renversé et chassé d’Athènes en 510. Celui-ci est envoyé en expédition contre Corinthe, un allié de Sparte… Etait-ce une provocation supplémentaire à l’égard de Sparte, ou au contraire une manière de la ménager, en donnant le commandement à un homme peu suspect d’hostilité à l’égard des Spartiates ? Idée encore en débat aujourd’hui : l’assistanat comme calamité pour le peuple, qui s’habitue à ne pas travailler !… On remarquera que la démarcation « droite / gauche » à ce sujet ne date pas d’hier : elle divisait déjà, au Vème siècle avant notre ère, les « démocrates » et les « aristocrates »… ce qui n’empêchait nullement ces derniers de se livrer à la surenchère, comme on le voit ci-dessous !